Bamako – Après plusieurs années de présence controversée au Mali, les mercenaires du groupe Wagner sont en train de plier bagage. Selon plusieurs sources concordantes, cette retraite progressive intervient à la suite de pertes humaines et matérielles significatives, accumulées notamment dans la lutte contre les groupes jihadistes dans le nord et le centre du pays. Toutefois, la Russie ne compte pas se retirer pour autant du théâtre sahélien : son nouveau dispositif militaire, l’Africa Corps, prendra le relais.
Une présence marquée par la violence et les controverses
Depuis leur arrivée en 2021, les éléments du groupe Wagner ont été impliqués dans de nombreuses opérations militaires conjointes avec les Forces armées maliennes (FAMa). Officiellement invités par la junte au pouvoir après le retrait des troupes françaises de l’opération Barkhane, les mercenaires russes ont été accusés à plusieurs reprises de violations graves des droits humains, notamment à Moura, où plus de 500 civils auraient été tués en 2022, selon l’ONU.
Malgré une stratégie militaire agressive, Wagner a peiné à sécuriser durablement les zones instables. Les groupes jihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique ont multiplié les offensives, infligeant des pertes croissantes aux forces alliées russes.
Un départ stratégique… mais pas un retrait russe
Le départ de Wagner ne signifie pas la fin de l’engagement militaire de Moscou au Mali. Le Kremlin restructure sa présence dans la région à travers une force plus officielle et institutionnelle : l’Africa Corps. Ce corps expéditionnaire, directement rattaché au ministère russe de la Défense, devrait assurer une coopération sécuritaire “formelle” avec plusieurs pays africains, dont le Mali, le Burkina Faso, la Centrafrique et potentiellement le Niger.
Selon des analystes militaires, cette mutation permet à la Russie de gagner en légitimité sur la scène internationale, tout en garantissant sa continuité stratégique dans une région riche en ressources naturelles et en quête de partenaires sécuritaires alternatifs.
Réactions locales et internationales
Du côté malien, les autorités de transition minimisent le départ de Wagner, assurant que la coopération bilatérale avec Moscou reste solide. Le ministère de la Défense aurait déjà signé de nouveaux accords logistiques avec les représentants de l’Africa Corps, qui disposerait d’un cadre plus structuré, avec des officiers réguliers, du matériel lourd, et des objectifs de stabilisation à long terme.
Mais la communauté internationale reste méfiante. Des ONG dénoncent la possibilité d’un simple “changement d’étiquette” sans réelle amélioration des pratiques sur le terrain. À Washington comme à Bruxelles, les chancelleries continuent de surveiller avec inquiétude l’enracinement russe en Afrique, perçu comme un levier d’influence géopolitique face à l’Occident.
Un tournant géostratégique pour le Sahel
Le retrait de Wagner du Mali marque la fin d’une phase d’intervention brutale et opaque, et le début d’un partenariat plus structuré mais tout aussi ambitieux pour Moscou. Dans un Sahel en pleine recomposition politique et sécuritaire, le repositionnement russe pourrait redessiner les alliances régionales, avec des conséquences durables sur l’équilibre des forces et la souveraineté des États concernés.
Xolomo Tokpa