Faure Gnassingbé, à la tête du Togo depuis près de deux décennies, a prêté serment ce samedi à Lomé en tant que président du conseil des ministres, devenant ainsi le détenteur de la plus haute fonction du pouvoir exécutif dans le pays, à la suite d’une réforme constitutionnelle majeure adoptée fin avril.
Cette cérémonie de prestation de serment, organisée dans un climat de tensions politiques croissantes, marque un changement de régime au Togo : la république présidentielle laisse place à une république parlementaire, où le président de la République aura désormais un rôle essentiellement honorifique. Faure Gnassingbé, jusqu’ici président de la République, devient donc l’organe central du pouvoir exécutif, conformément à la nouvelle Constitution.
Adoptée à la hâte par l’Assemblée nationale dominée par le parti au pouvoir, l’Union pour la République (UNIR), la réforme constitutionnelle a été dénoncée par l’opposition togolaise et la société civile comme une manœuvre visant à prolonger indéfiniment le règne de Faure Gnassingbé, déjà au pouvoir depuis 2005 après avoir succédé à son père, Gnassingbé Eyadéma, qui a dirigé le pays pendant 38 ans.
La nouvelle Constitution introduit un régime parlementaire dans lequel le président du conseil des ministres est désigné par les députés pour un mandat de six ans, renouvelable une fois. Or, selon les nouvelles règles de transition, le président actuel est automatiquement désigné pour occuper cette fonction jusqu’à la fin du mandat parlementaire en cours, prévu pour 2029, consolidant davantage son contrôle sur l’État.
Dans son discours d’investiture, Faure Gnassingbé a salué « une avancée démocratique » et une évolution vers une gouvernance plus inclusive. Il a promis de « travailler pour la stabilité et le développement du Togo dans le respect de la nouvelle Constitution ». Toutefois, ses opposants jugent ce changement antidémocratique et cynique.
« C’est une confiscation du pouvoir par la ruse », a réagi Jean-Pierre Fabre, figure majeure de l’opposition, qui appelle à une mobilisation populaire pour contester la légitimité du nouveau régime. Des manifestations ont déjà eu lieu dans certaines localités du pays, bien que rapidement dispersées par les forces de l’ordre.
Depuis plusieurs années, le Togo est régulièrement le théâtre de manifestations contre le pouvoir en place, accusé de réprimer les opposants, de verrouiller les institutions et de repousser sans cesse l’alternance démocratique. L’adoption de cette réforme sans consultation populaire, ni référendum, n’a fait qu’aggraver les soupçons.
Des organisations régionales et internationales, dont la CEDEAO et l’Union africaine, ont exprimé leur inquiétude face à l’évolution institutionnelle au Togo. Pour l’instant, aucun pays partenaire majeur n’a officiellement reconnu le nouveau titre de Faure Gnassingbé, ni félicité sa prestation de serment.
Pour de nombreux observateurs, cette réforme constitutionnelle pourrait ouvrir la voie à un maintien au pouvoir de Faure Gnassingbé bien au-delà de 2030, sans passer par des élections présidentielles directes. Alors que l’opposition continue de dénoncer un glissement autoritaire, le chef de l’État togolais poursuit, serein, son ancrage dans le paysage politique du pays.
Avec cette nouvelle étape, le Togo entre dans une zone d’incertitude politique, où la bataille pour la démocratie et l’alternance semble plus difficile que jamais.
Xolomo Tokpa