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samedi 6 décembre 2025

Soudan : la junte propose à la Russie sa première base navale en Afrique

Introduction

Le Soudan a officiellement proposé à la Russie l’établissement d’une base navale sur sa côte de la mer Rouge, un projet qui serait le premier du genre pour Moscou sur le continent africain. Cette décision s’inscrit dans un contexte politique marqué par la domination de la junte militaire et par la recherche active de soutiens extérieurs. L’accord envisagé offrirait à la Russie un point d’appui maritime stratégique, tout en procurant au Soudan des équipements militaires nécessaires pour consolider son pouvoir. Les discussions révèlent les enjeux géopolitiques croissants autour de la mer Rouge, corridor essentiel pour le commerce mondial. Elles témoignent aussi d’une recomposition des alliances internationales au moment où plusieurs pays africains réévaluent leurs partenariats traditionnels.

L’idée d’une base navale russe au Soudan ne date pas de 2025. Le dossier existe depuis plusieurs années : des négociations ont débuté dès 2017, sous l’ancien régime. En 2020, un accord formel a été signé pour une durée de 25 ans, accord qui prévoyait l’installation d’une base navale russe sur la côte soudanaise de la mer Rouge. Mais le contexte politique instable du pays — notamment après le renversement du président de l’époque — a retardé la réalisation du projet. La proposition actuelle (version 2025) a été rendue publique le 2 décembre 2025.

Un projet stratégique pour Moscou

La Russie cherche depuis plusieurs années à renforcer sa présence militaire sur des zones maritimes clés afin d’étendre son influence et de sécuriser ses routes stratégiques. Une base au Soudan lui permettrait d’opérer jusqu’à quatre navires de guerre, y compris des bâtiments à propulsion nucléaire. Cette capacité offrirait à Moscou un levier important dans une région où transitent près de 10 % du commerce mondial. Le positionnement géographique du Soudan constitue un atout majeur, car il offre un accès direct à la mer Rouge et au détroit de Bab-el-Mandeb, passage vital entre l’océan Indien et la Méditerranée. Pour la Russie, ce projet renforcerait son statut de puissance navale mondiale, tout en lui permettant de consolider des partenariats militaires sur le continent.

Les motivations soudanaises

Du côté du Soudan, la proposition s’explique par des considérations politiques et sécuritaires liées à la situation interne du pays. La junte militaire, engagée dans un conflit prolongé contre des forces rebelles rivales, cherche des soutiens internationaux capables de l’aider à stabiliser ses positions. En échange de la base, Moscou fournirait au Soudan des armes, des équipements militaires avancés et potentiellement un appui logistique dans ses opérations. Cette coopération s’inscrit dans une stratégie plus large de diversification des alliances, notamment après la détérioration des relations entre Khartoum et plusieurs partenaires occidentaux. Le pouvoir soudanais espère ainsi renforcer sa marge de manœuvre diplomatique et consolider son contrôle sur le territoire.

La mer Rouge, espace de rivalités croissantes

La mer Rouge est devenue au fil des années une zone où se multiplient les présences militaires étrangères, reflet de son importance stratégique pour le commerce, l’énergie et la sécurité maritime. Les États-Unis, la Chine, la Turquie et plusieurs pays du Golfe y disposent déjà de bases ou de points d’appui militaires. L’arrivée potentielle de la Russie renforcerait encore cette concentration d’acteurs aux intérêts parfois divergents. Cette surenchère peut susciter des inquiétudes, notamment quant à la militarisation excessive du littoral. Elle pose également la question du contrôle des voies de navigation à un moment où les tensions régionales, notamment autour du Yémen, demeurent élevées. Pour le Soudan, attirer un nouvel acteur majeur pourrait aussi provoquer des réactions contrastées de la part de ses voisins.

Réactions et enjeux régionaux

Les réactions internationales à ce projet restent mitigées, certains acteurs exprimant leur préoccupation face à la montée de l’influence russe en Afrique. Pour plusieurs pays occidentaux, l’établissement d’une base russe pourrait modifier l’équilibre militaire en mer Rouge et compliquer les efforts de stabilisation régionale. Les États du Golfe, très présents dans la région, pourraient également percevoir cette initiative comme un facteur de compétition stratégique supplémentaire. Sur le plan africain, l’Union africaine et certains États voisins surveillent de près la situation, car le Soudan demeure plongé dans une guerre interne aux répercussions humanitaires et régionales importantes. L’enjeu principal reste de savoir si ce partenariat militaire contribuera à stabiliser le pays ou s’il accentuera les rivalités, au détriment de la sécurité locale.

Perspectives et incertitudes

Bien que les intentions soient clairement annoncées, la mise en œuvre de cette base navale reste entourée d’incertitudes. Le conflit interne soudanais pourrait entraver les travaux d’installation ou conduire à une renégociation selon l’évolution du rapport de force entre factions. Du côté russe, les contraintes logistiques et financières pourraient ralentir le développement du projet. Ce partenariat pourrait toutefois ouvrir la voie à une relation militaire plus structurée entre les deux pays, voire influencer les dynamiques de coopération régionale. Les prochains mois seront décisifs pour déterminer si cet accord deviendra un élément durable du paysage stratégique de la mer Rouge. Il constitue déjà un indicateur fort de l’évolution des équilibres géopolitiques en Afrique.

Xolomo Tokpa

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