Le climat politique malien continue de se détériorer. Le jeudi 8 mai 2025, deux figures de l’opposition malienne, Alassane Abba du parti Convergence pour le développement du Mali (Codem) et El Bachir Thiam du parti Yelema, ont été enlevées à Bamako par des hommes armés non identifiés. Les deux hommes venaient tout juste de critiquer publiquement la junte militaire au pouvoir et d’exiger un retour rapide à l’ordre constitutionnel.
Selon leurs familles et des témoins oculaires, les deux hommes ont été arrêtés dans des circonstances quasi similaires, dans leurs quartiers respectifs, par des individus encagoulés circulant dans des pick-up sans plaques d’immatriculation. Aucune autorité n’a confirmé leur interpellation, et ils restent introuvables depuis.
Alassane Abba, haut responsable du parti Codem (Convergence pour le développement du Mali), est connu pour son engagement en faveur du dialogue démocratique. Économiste de formation et ancien député, il avait ces dernières semaines intensifié ses prises de parole contre la suspension des partis politiques décidée par la junte. Il appelait à une mobilisation pacifique et à la convocation d’élections dans les meilleurs délais. Son dernier discours, diffusé sur les réseaux sociaux le 6 mai, dénonçait « une transition confisquée par les armes ».
El Bachir Thiam, cadre du parti Yelema de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, est quant à lui une figure montante de la jeunesse politique malienne. Juriste de formation, il militait activement pour le retour à l’État de droit et avait participé à la coordination de plusieurs initiatives citoyennes appelant à une transition démocratique inclusive. Le 7 mai, il avait participé à une réunion de leaders politiques et associatifs où il avait dénoncé « la volonté manifeste des autorités de prolonger indéfiniment la transition par la force et la peur ».
L’enlèvement de ces deux personnalités politiques intervient dans un contexte de répression accrue des libertés politiques au Mali. Depuis la suspension officielle de toutes les activités politiques le 10 avril 2025, de nombreux militants, journalistes et membres de partis d’opposition ont fait l’objet d’intimidations, d’arrestations ou de censures.
La société civile, les familles et plusieurs formations politiques réclament la libération immédiate des deux hommes. Des ONG comme Amnesty International et Human Rights Watch ont également exprimé leur vive inquiétude, évoquant de possibles « disparitions forcées » dans un pays où les garanties judiciaires sont devenues fragiles sous la gouvernance militaire.
Aucune revendication ni explication officielle n’a été donnée à ce jour. Les observateurs s’interrogent sur le sort des deux hommes et sur l’intensification apparente de la stratégie de répression silencieuse menée par le régime en place.
Dans un Mali de plus en plus fermé au pluralisme et au débat public, l’enlèvement d’Abba et Thiam envoie un signal d’alarme. Pour beaucoup, il s’agit d’un test crucial pour l’avenir de la démocratie dans le pays.
Xolomo Tokpa