Le 27 juin 2025, les caméras du monde entier ont capté une scène inédite : les ministres des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo et du Rwanda se serrant la main à Washington D.C., sous l’égide des États-Unis. Ce traité, baptisé « Accord sur les minerais essentiels pour la sécurité et la paix », se veut la fin de trente années de guerre sanglante ayant coûté plus de six millions de vies dans la région des Grands Lacs.
Sur le papier, l’accord promet beaucoup : respect des frontières, retrait des troupes rwandaises, coopération sécuritaire, et surtout, formalisation du commerce des minerais critiques comme le coltan et le cobalt.
Mais à y regarder de plus près, l’enthousiasme cède rapidement à la méfiance.
Une faille mortelle : l’absence du M23
L’un des principaux acteurs du conflit, le M23, n’a même pas été convié aux négociations. Le groupe armé, toujours actif et solidement implanté autour de Goma, Bukavu et des principales mines de l’Est congolais, a dénoncé ce qu’il appelle une « supercherie inacceptable ».
Ignorer ce protagoniste-clé n’est pas une simple omission diplomatique. C’est un défaut structurel de l’accord. Car sans dialogue avec les forces présentes sur le terrain, aucun cessez-le-feu ne peut tenir.
Un précédent d’accords fantômes
Ce n’est pas la première tentative. Depuis 1999, plus de dix accords de paix ont été signés… et presque tous ont échoué. Du processus de Luanda, mené par l’Angola, à celui de Nairobi, soutenu par la Communauté d’Afrique de l’Est, les promesses de paix se sont systématiquement effondrées dans les collines du Kivu.
Pourquoi ? Parce que les véritables racines du conflit sont toujours éludées :
- Les conflits fonciers,
- La marginalisation des Kinyarwandophones,
- L’impunité des crimes de guerre.
Les États-Unis, la Chine… et les minerais
Derrière cet accord, se cache un moteur évident : les minerais stratégiques. Le cobalt et le coltan, indispensables aux batteries de smartphones, voitures électriques et systèmes militaires modernes, sont devenus des enjeux géostratégiques majeurs.
Le président Trump lui-même l’a affirmé sans détour : « Nous obtenons pour les États-Unis une grande partie des droits miniers du Congo. »
Ce qui soulève une question cruciale :
Est-ce un accord pour la paix, ou un deal commercial déguisé ?
Une paix sur le papier, un terrain inchangé
Même les signataires restent prudents. Le ministre rwandais des Affaires étrangères parle d’une « grande part d’incertitude ». Sa collègue congolaise avertit : « Le vrai travail commence maintenant. »
Mais pendant ce temps, le M23 contrôle toujours le terrain. Les populations civiles, elles, n’ont vu aucun changement. Les réfugiés ne rentrent pas. Les armes ne se taisent pas. Les pillages continuent.
Justice, vérité, réconciliation : les grandes absentes
Un accord qui ne parle pas de justice, de vérité historique, ni de réconciliation communautaire est voué à l’échec. Injecter des milliards dans une zone rongée par la corruption (la RDC est classée 136e sur 142 pays en matière de gouvernance) revient à nourrir le conflit plutôt qu’à le résoudre.
Conclusion : paix ou mirage ?
La vraie paix ne se signe pas à Washington. Elle se construit dans les villages du Kivu.
Tant que les victimes ne sont pas entendues, tant que les responsables ne sont pas jugés, tant que les acteurs-clés sont exclus, cet accord restera une illusion brillante. Un mirage minier.
Xolomo Tokpa

