Conakry, 14 juin 2025 – Malgré les multiples réformes éducatives annoncées par les différents régimes au pouvoir en Guinée au cours des quatre dernières décennies, aucune école publique franco-arabe n’a vu le jour. C’est le constat alarmant dressé par le Syndicat National de l’Enseignement Franco-Arabe de Guinée (SNEFAG) lors d’une conférence de presse tenue ce samedi à Conakry, sous le thème : « État des lieux de l’enseignement franco-arabe et pistes d’amélioration ».
Face aux médias, le secrétaire général du syndicat, Dr Ibrahim Mansaré, a tenu des propos sans équivoque : « Depuis plus de 45 ans, l’État guinéen n’a construit aucun établissement public franco-arabe. Même le département de langue arabe à l’université de Sonfonia est un don d’un pays arabe. C’est triste à dire, mais c’est la réalité. »
Un système soutenu par des dons étrangers
Selon Dr Mansaré, la quasi-totalité des écoles franco-arabes aujourd’hui en activité ont été érigées grâce à l’appui de donateurs étrangers — en majorité des pays arabes — ou grâce aux efforts des communautés locales. « Plus de 20 écoles franco-arabes ont été fermées à Faranah, et plus de 23 à Kissidougou. Ce sont des chiffres inquiétants, alors que ces établissements accueillent des milliers d’élèves. »
Des cadres formés, mais non reconnus
Le syndicat déplore également l’incohérence persistante entre la formation des cadres issus du système franco-arabe et le manque de reconnaissance de leurs diplômes par les institutions officielles guinéennes. « Le département de langue arabe en Guinée compte aujourd’hui plus de 40 docteurs — un chiffre supérieur à celui de nombreuses autres spécialités. Pourtant, aucun d’eux n’est reconnu par le CAMES. C’est aberrant. » a-t-il affirmé.
Il a également souligné que les diplômes obtenus par les bacheliers du système franco-arabe, bien qu’acceptés par des pays comme l’Égypte, le Maroc ou l’Arabie Saoudite, ne sont pas pris en compte dans le processus d’orientation universitaire en Guinée. « Nous avons des étudiants inscrits en master ou en doctorat à Sonfonia ou dans des universités privées. Pourtant, ils ne peuvent plus évoluer dans le système éducatif guinéen à cause de la non-reconnaissance de leurs diplômes. »
Plus de 40 000 élèves en situation d’exclusion
Le syndicat alerte sur une crise silencieuse qui menace l’avenir de plus de 40 000 élèves actuellement engagés dans le cursus franco-arabe. Les blocages administratifs et les récentes politiques du ministère de l’Enseignement supérieur empêchent ces jeunes de poursuivre normalement leur scolarité. « Ceux qui sont en sixième année ne peuvent pas passer le BEPC. Ceux qui ont obtenu le BEPC ne peuvent pas s’inscrire au baccalauréat. Et même ceux qui souhaitent se présenter en candidats libres doivent reprendre tout le cycle. Ce système est déconnecté des réalités du terrain. » déplore-t-il.
Appel à une réforme profonde et inclusive
Pour Dr Mansaré, il est plus que temps de repenser le système éducatif guinéen de manière inclusive, en y intégrant pleinement l’enseignement franco-arabe, tout en respectant la diversité linguistique et culturelle du pays. « Il faut une alternative, un pont entre les deux systèmes. On ne peut pas continuer à ignorer un pan entier de notre société et à prendre des décisions qui ne répondent pas aux besoins réels des citoyens. » a-t-il conclu.
Facinet Soumah

