Deux mois après la grâce présidentielle controversée accordée à l’ex-chef de la junte, le capitaine Moussa Dadis Camara, une délégation de la Cour pénale internationale (CPI) est en mission à Conakry. Comme chaque année, cette visite s’inscrit dans le cadre du suivi du procès du 28 septembre 2009, marqué par le massacre de plus de 150 civils et le viol de nombreuses femmes dans l’enceinte du stade de Dixinn, sous le régime militaire alors dirigé par Dadis Camara.
Condamné pour crimes contre l’humanité, l’ancien président de la transition avait bénéficié en mars dernier d’une grâce présidentielle pour des raisons de santé, une décision prise par le général Mamadi Doumbouya. Cette mesure, largement critiquée, confère un caractère particulièrement sensible à la présente mission de la CPI, notamment du point de vue des victimes et de leurs représentants.
Depuis l’ouverture du dossier par la CPI, l’institution a dépêché à plusieurs reprises des missions d’évaluation à Conakry afin de s’assurer de la bonne foi des autorités guinéennes dans leur engagement à faire justice. Le procureur Karim Khan avait lui-même assisté au lancement du procès en 2022, saluant alors un « moment historique », 13 ans après les faits.
Mais la grâce présidentielle, survenue moins d’un an après la condamnation de Moussa Dadis Camara, fragilise les engagements pris dans le mémorandum d’accord signé entre la Guinée et la CPI. En particulier, l’article 4 de ce document stipule que la Cour peut se saisir du dossier si des mesures compromettent sérieusement le déroulement des procédures judiciaires ou entravent le bon fonctionnement de la justice.
Vives critiques de la société civile
Cette grâce a été vivement dénoncée par plusieurs organisations de défense des droits humains. Alseny Sall, chargé de communication de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme (OGDH), a exprimé l’indignation des victimes :
« C’est un pouvoir discrétionnaire du président, certes, mais la grâce présidentielle est encadrée par des principes de droit. Elle ne peut intervenir qu’après une décision judiciaire définitive. Or, l’affaire était encore en attente de jugement en appel. Cette décision viole les règles élémentaires d’un procès équitable », déplore-t-il.
Par ailleurs, l’OGDH fustige le caractère sélectif de l’indemnisation décidée par les autorités : seules 334 victimes sont concernées, alors que près de 500 personnes s’étaient constituées parties civiles.
À l’heure où la délégation de la CPI mène ses consultations, les regards sont tournés vers l’évolution de ce dossier crucial pour la justice transitionnelle en Guinée.
Facinet Soumah

