Un système éducatif est, par définition, un ensemble structuré d’institutions, de programmes, d’acteurs et de normes destiné à former les citoyens d’une nation. Il repose sur une vision claire des finalités de l’éducation, des priorités nationales, des contenus d’apprentissage, de la langue d’enseignement, de la gouvernance et du lien entre l’école et son environnement social, culturel, politique et économique.
Or, en Guinée, cette vision semble faire cruellement défaut. Le pays peine à bâtir un système éducatif à son image, adapté à ses réalités, et porteur d’un véritable projet de société.
Un système hérité, pas inventé
Plus de soixante ans après l’indépendance, le système éducatif guinéen reste prisonnier d’un héritage colonial. La structuration des cycles (primaire, collège, lycée), les programmes scolaires, la logique des examens (CEPE, BEPC, BAC), et surtout la langue d’enseignement – le français – reproduisent fidèlement les schémas de l’ancien colonisateur. Cette dépendance ne s’est jamais accompagnée d’une réforme en profondeur, d’une réappropriation culturelle ou d’une adaptation aux besoins spécifiques de la société guinéenne.
Une école déconnectée des réalités guinéennes
Au lieu d’être un levier de développement et d’émancipation, l’école guinéenne demeure un espace figé, souvent étranger aux réalités du pays. L’histoire nationale y est peu enseignée. Les langues locales y sont absentes. Les pédagogies actives, ancrées dans les savoirs communautaires, y sont marginalisées. Résultat : les élèves apprennent à réciter, mais pas à comprendre ; à mémoriser, mais pas à créer ; à se conformer, mais pas à s’exprimer.
C’est un système désarticulé du contexte guinéen. Un système qui forme pour les diplômes, mais pas pour la vie. Qui produit des diplômés déconnectés des exigences du monde professionnel. Qui évalue par des notes, mais pas par le sens.
Un appareil scolaire sans boussole idéologique
La Guinée ne s’est jamais dotée d’un projet éducatif national cohérent, enraciné dans ses valeurs, ses langues et ses aspirations. Elle dispose d’un appareil scolaire, certes, mais sans socle idéologique ni vision structurante. Ce déficit de pilotage et de vision se traduit par une absence de direction claire, une inertie institutionnelle et un mal-être généralisé dans le système : enseignants démotivés, élèves désorientés, parents impuissants.
Une rupture devient urgente et nécessaire
Il est grand temps que la Guinée ose penser son école autrement. Cela exige une rupture nette avec le mimétisme institutionnel et une volonté politique forte pour refonder en profondeur notre système éducatif. Cela implique :
- Une réforme ambitieuse de la formation des enseignants ;
- Une refonte des programmes basée sur les réalités sociales, économiques et culturelles du pays ;
- La réintégration des langues et savoirs nationaux dans l’enseignement ;
- Un pilotage participatif, avec une implication réelle des communautés éducatives.
Inventer l’école guinéenne, ne plus la copier
Un système éducatif authentiquement guinéen ne sera pas celui que l’on importe, mais celui que l’on invente. Il ne peut naître que d’une ambition collective, d’un courage politique et d’une lucidité historique. Car aucun peuple ne se développe durablement avec l’école d’un autre.
Par Mohamed Lamine Touré, Secrétaire général du Réseau des Journalistes pour l’Éducation Guinéenne