Entre les rochers sacrés et les eaux du fleuve Niger, à l’approche de l’hivernage, les sons des incantations traditionnelles résonnent dans les faubourgs de Bamako. Début juin 2025, le sanctuaire de Soutadounoun a accueilli l’une des plus importantes libations collectives du pays : le Djibon, un rituel ancestral de communion spirituelle et d’offrandes aux génies protecteurs.
Organisé chaque année, le Djibon est une cérémonie majeure dans le calendrier spirituel des adeptes des croyances traditionnelles du Mali. Dans ce haut lieu de la spiritualité animiste, les offrandes abondent : poulets, lait, noix de cola, bière de mil… chaque objet symbolique est déposé avec révérence pour invoquer les mânes des ancêtres et demander leur bénédiction pour une saison des pluies favorable.
Le sanctuaire de Soutadounoun, niché dans un écrin naturel au cœur de la capitale, est considéré comme un carrefour des forces spirituelles. Selon les initiés, c’est un lieu de passage des esprits et de renforcement des liens entre le monde visible et invisible.
Depuis sept ans, cette pratique renaît avec ferveur sous l’impulsion de l’association Maaya Blon, dirigée par le chef spirituel Kôredjô Missa Doumbia. « Le Djibon, c’est l’âme du peuple bambara, une mémoire vivante. À travers lui, nous rétablissons le dialogue avec les ancêtres et protégeons notre communauté », confie-t-il lors de la cérémonie.
Au-delà de la dimension religieuse, le Djibon représente aussi un acte de résistance culturelle face à l’érosion des traditions africaines. Dans un contexte de modernisation rapide et de crises identitaires, ce rituel rassemble de plus en plus de jeunes désireux de renouer avec leurs racines.
Le Mali, en pleine quête de stabilité sociale et spirituelle, voit dans ces pratiques un socle de résilience et de cohésion. Le Djibon n’est pas qu’un simple rite : il est le témoin vivant d’un héritage ancestral toujours vibrant, qui invite à l’harmonie entre l’homme, la nature et le monde invisible.
Xolomo Tokpa