Dans un contexte géopolitique marqué par l’essor des mouvements jihadistes et l’isolement diplomatique croissant de certains régimes, une série de rencontres diplomatiques récentes attire l’attention. Ces dernières semaines, selon Jeune Afrique et d’autres sources, les ambassadeurs du Burkina Faso, du Niger et de l’Afghanistan dirigé par les talibans ont tenu des échanges séparés, esquissant un rapprochement aussi surprenant que lourd de symboles.
Le dernier épisode en date remonte au lundi 12 mai, lorsque le gouvernement taliban a accueilli une délégation burkinabè dans les locaux de son ambassade à Téhéran. Conduite par l’ambassadeur du Burkina Faso en Iran, Mohamadi Kaboré, la délégation a été photographiée tout sourire aux côtés de représentants de l’émirat islamique d’Afghanistan. L’image, publiée sur le compte X officiel de l’ambassade afghane, montre Kaboré assis devant une tapisserie représentant la Kaaba, flanqué des drapeaux afghan et burkinabè.
Ce tête-à-tête diplomatique suscite des interrogations, notamment en raison du contexte sécuritaire dans lequel évoluent le Burkina Faso et le Niger, confrontés depuis plusieurs années à une insurrection jihadiste particulièrement violente. Dans le Sahel, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), affilié à Al-Qaïda, reste l’un des principaux acteurs de la violence armée. Or, Al-Qaïda considère depuis longtemps le régime taliban comme un partenaire stratégique, voire un modèle.
Ces contacts diplomatiques semblent ainsi s’inscrire dans un jeu d’alliances officieuses, loin des canaux traditionnels de la diplomatie internationale. Alors que les régimes militaires au pouvoir à Ouagadougou et Niamey ont rompu avec les anciennes puissances coloniales et tourné le dos à plusieurs partenaires occidentaux, ces ouvertures vers Kaboul suggèrent une redéfinition des priorités géostratégiques.
S’agit-il d’un simple échange protocolaire ou d’un début de coopération plus profonde entre États marginalisés sur la scène internationale ? Pour l’instant, aucun communiqué officiel n’a détaillé le contenu de ces échanges. Toutefois, la multiplication de ces rencontres, bien qu’informelles, laisse entrevoir une volonté commune de bâtir de nouveaux axes diplomatiques dans un monde de plus en plus fragmenté.
Ce rapprochement soulève également de sérieuses inquiétudes au sein de la communauté internationale. L’alignement – même implicite – entre des gouvernements engagés dans la lutte contre le terrorisme et un régime reconnu pour ses liens idéologiques avec les mouvances jihadistes pourrait brouiller les lignes entre lutte antiterroriste et compromissions politiques.
Alors que le Burkina Faso et le Niger se présentent comme des États souverains en quête de partenaires « respectueux » et non-ingérents, cette rencontre avec les représentants talibans pourrait marquer un tournant dans leur diplomatie, et ouvrir la voie à une recomposition des alliances dans le Sahel… avec des conséquences encore difficiles à anticiper.
Xolomo Tokpa
