Il y a tout juste un an, les bulldozers entraient en action dans plusieurs quartiers dits « précaires » d’Abidjan, notamment à Gesco, Boribana, Adjamé-Bracodi, et sur les berges de la commune de Yopougon. Objectif affiché par les autorités : prévenir les risques d’inondation pendant la saison des pluies, sécuriser les infrastructures publiques, et assainir le cadre de vie urbain.
Mais depuis ces opérations de déguerpissement menées tambour battant, la situation des sinistrés reste préoccupante. Selon des ONG locales, plus de 20 000 personnes vivent encore dans des abris de fortune, des campements improvisés ou ont été contraintes à l’exode intérieur. Leurs conditions de vie sont souvent précaires, sans accès stable à l’eau, à l’électricité ou aux soins de santé.
Des promesses de relogement en suspens
Dans la foulée des démolitions, le gouvernement avait annoncé des mesures de relogement, promettant la construction de logements sociaux et une assistance humanitaire. Mais un an plus tard, les résultats sont maigres. De nombreux sinistrés déclarent n’avoir reçu aucune aide, ni de la part de l’État, ni des collectivités locales.
« On nous a promis des maisons. Jusqu’à aujourd’hui, on n’a même pas vu un terrain viabilisé », déplore Fanta Kouamé, mère de trois enfants, dont la baraque à Gesco a été détruite en mai 2024. Un sentiment d’abandon largement partagé dans les zones touchées.
Un dossier qui devient politique
Alors que la présidentielle d’octobre 2025 approche à grands pas, le sort des « déguerpis » est désormais au cœur des joutes politiques. Plusieurs leaders de l’opposition dénoncent un traitement « inhumain » des populations vulnérables et réclament un audit indépendant sur la gestion du dossier.
« On ne peut pas construire une ville moderne en piétinant la dignité humaine », a lancé récemment un député de l’opposition lors d’un point presse. Pour certains partis, les victimes des déguerpissements sont devenues un symbole des inégalités croissantes dans la capitale économique ivoirienne.
Silence ou action ?
Du côté du gouvernement, les autorités invoquent la complexité du chantier, les difficultés budgétaires et la nécessité d’assurer la sécurité des zones reconstruites. Une justification qui peine à convaincre, alors que les familles sinistrées réclament des réponses concrètes et urgentes.
Face à la pression politique et médiatique, une relance des programmes de relogement pourrait intervenir dans les prochains mois. Mais pour de nombreuses victimes, la méfiance reste de mise. « Ce n’est pas la première fois qu’on nous promet des choses avant les élections », glisse un ancien habitant de Boribana, amer.
À quelques mois d’un scrutin décisif, les « déguerpis » d’Abidjan rappellent que derrière les discours sur le développement urbain se cachent aussi des drames humains souvent invisibles. Et que la ville de demain ne pourra se bâtir durablement sans justice sociale pour tous.
Xolomo Tokpa

