La tension ne faiblit pas entre Niamey et Cotonou. Depuis plusieurs mois, la frontière entre le Niger et le Bénin demeure hermétiquement fermée, conséquence d’une brouille diplomatique profonde. À l’origine du blocage : des accusations portées par la junte nigérienne selon lesquelles le Bénin abriterait des bases militaires françaises utilisées pour « déstabiliser » le Niger.
Le général Abdourahamane Tiani, chef du régime militaire nigérien, a clairement affiché sa méfiance à l’égard du président béninois Patrice Talon. Malgré les tentatives de médiation régionales, les autorités nigériennes refusent toute réouverture de la frontière tant que ces “menaces sécuritaires” ne seront pas levées.
Des appels au dialogue ignorés
Le président béninois a de son côté démenti toute complicité avec la France contre le Niger et a appelé à un apaisement. Plusieurs voix se sont élevées, au sein de la CEDEAO notamment, pour encourager une résolution diplomatique. Mais pour l’instant, Niamey campe sur ses positions, exigeant le départ complet des troupes françaises de la région.
En parallèle, les sanctions économiques prises par les pays de la CEDEAO à l’encontre du Niger après le coup d’État de juillet 2023 ont été récemment levées, suscitant l’espoir d’un retour progressif à la normalisation. Toutefois, la situation avec le Bénin demeure un point de blocage persistant.
Des conséquences graves pour les populations locales
Cette fermeture prolongée de la frontière a des répercussions directes sur les échanges commerciaux et la vie quotidienne des populations riveraines. Les flux de marchandises sont interrompus, les marchés transfrontaliers en souffrance, et les familles séparées par cette ligne invisible vivent une détresse croissante.
Des transporteurs béninois, des commerçants nigériens, mais aussi des agriculteurs, tous dénoncent une situation qui les pénalise lourdement. « Nous sommes pris en otage par une guerre politique qui ne nous concerne pas », confie un commerçant de Malanville.
Un isolement stratégique du Niger ?
Pour les observateurs, cette crise s’inscrit dans la stratégie d’autonomisation de Niamey vis-à-vis de ses partenaires occidentaux. En rupture ouverte avec Paris, le régime militaire nigérien cherche de nouveaux appuis, notamment auprès de la Russie et de la Turquie, tout en consolidant son alliance avec le Mali et le Burkina Faso au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Dans ce contexte, la méfiance envers le Bénin, perçu comme encore aligné sur les intérêts français, apparaît comme un prolongement logique d’une recomposition géopolitique régionale en cours.
Perspectives incertaines
Alors que les tensions entre les deux pays semblent s’enraciner, la question d’une médiation africaine ou internationale devient urgente. Le silence prolongé pourrait non seulement aggraver la crise humanitaire le long de la frontière, mais également fragiliser la stabilité régionale déjà mise à mal.
Xolomo Tokpa