28 C
Conakry
dimanche 7 décembre 2025

Burkina Faso : IA, propagande et culte de la personnalité autour de Traoré

Depuis plusieurs mois, une vague de contenus viraux générés par intelligence artificielle (IA) envahit les réseaux sociaux, mettant en scène des célébrités internationales encensant le capitaine Ibrahim Traoré, chef militaire du Burkina Faso. De R. Kelly à Beyoncé, en passant par le pape Léon XIV, ces vidéos montées de toutes pièces participent à un culte de la personnalité et soulèvent des inquiétudes sur la manipulation de l’information en Afrique de l’Ouest.

Une propagande numérique orchestrée

Ces images spectaculaires – totalement fausses – s’inscrivent dans une stratégie de communication qui mêle propagande et contenus générés par IA. Leur diffusion s’est accélérée depuis avril 2025, touchant principalement les pays anglophones de la région.
L’une des vidéos les plus virales, vue plus de deux millions de fois, montre le chanteur américain R. Kelly, actuellement incarcéré, interpréter une chanson en l’honneur du capitaine Traoré, accompagné d’images de synthèse du chef burkinabè en héros de guerre.
Une autre séquence met en scène Beyoncé implorant la protection du dirigeant burkinabè, dans des décors dramatiques allant d’une église à une plage en flammes.

Objectif : renforcer le culte du capitaine

Selon des chercheurs, cette campagne d’influence vise à consolider la popularité d’Ibrahim Traoré et à détourner l’attention de l’échec de ses promesses sécuritaires. Depuis son coup d’État en septembre 2022, le pays reste en proie à des attaques jihadistes meurtrières, malgré l’engagement de « reprendre le contrôle du territoire en six mois ».
Les violences se sont intensifiées, faisant des milliers de morts, notamment entre mars et avril derniers, période marquée par une tentative de putsch au sein de l’armée et l’arrestation d’officiers dissidents.

Une « armée numérique » et des connexions étrangères

Derrière cette offensive numérique se cacherait un dispositif structuré, décrit comme une véritable « armée numérique » pilotée par des militants pro-régime, dont certains seraient basés à l’étranger.
Des influenceurs africains et américains relayent le narratif pro-Traoré, associant son image à un discours anti-impérialiste, en opposition à l’Occident. Cette stratégie « arrange la Russie », qui amplifierait le message selon plusieurs observateurs. Des médias burkinabè et togolais auraient même reçu des fonds liés à des réseaux pro-russes pour relayer la propagande.

Liberté d’expression sous pression

Au Burkina Faso, l’étau se resserre sur la presse. Les médias internationaux ont été expulsés, tandis que les journalistes locaux pratiquent l’autocensure par crainte d’arrestations arbitraires. Des cas de reporters envoyés de force sur le front ont été rapportés.
Toute critique du régime ou partage d’informations sur les attaques jihadistes est assimilé à une apologie du terrorisme, passible de peines allant jusqu’à cinq ans de prison.

Conclusion

Cette campagne de désinformation révèle l’ampleur des nouvelles armes numériques dans la bataille pour le pouvoir en Afrique. En glorifiant un dirigeant militaire via des vidéos d’IA et en imposant un contrôle strict de l’information, le régime burkinabè s’inscrit dans une dynamique inquiétante pour la liberté de la presse et la stabilité régionale.

Xolomo Tokpa

Dernières Infos
ARTICLES CONNEXES

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici