Conakry, 19 mai 2025 – Près d’un an après une décision controversée ayant marqué une rupture profonde entre le gouvernement et plusieurs médias privés, le Premier ministre Amadou Oury Bah a ouvert la voie à une possible réconciliation. À l’occasion du Forum sur l’avenir de la presse en Guinée, organisé à Conakry, le chef du gouvernement a prononcé un discours à la fois lucide et réconciliateur, appelant à tourner la page des tensions passées.
Un discours de vérité et d’ouverture
C’est dans une ambiance solennelle que Bah Oury est revenu, sans détour, sur l’événement qui a marqué les esprits : la fermeture de FIM FM, Djoma Média et Espace TV en mai 2024. « Chers journalistes, pratiquement, cela fait un an jour pour jour que nous avions divorcé », a-t-il déclaré, évoquant cette décision qui avait soulevé une vague d’indignation parmi les professionnels des médias et les défenseurs de la liberté de la presse.
Reconnaissant que « les torts ont été justement rétablis », le Premier ministre a exhorté les parties prenantes à dépasser les rancœurs pour bâtir ensemble un avenir médiatique plus apaisé et responsable. Il a présenté cette crise comme une étape nécessaire de recul et de réflexion, permettant selon lui de « dépassionner les sujets » et d’asseoir les bases d’un journalisme plus résilient.
Refonder un secteur vital dans un contexte de transition
S’adressant aux journalistes et aux patrons de presse, Bah Oury a insisté sur l’importance de s’approprier cette nouvelle dynamique : « Il faut faire émerger des dynamiques souhaitées par les acteurs eux-mêmes, pour eux-mêmes », a-t-il lancé. Ce forum de trois jours doit, selon lui, servir de plateforme d’autoévaluation, dans une Guinée en pleine mutation institutionnelle.
Pour le Premier ministre, le défi dépasse largement le cadre de la presse : « Ce n’est pas la presse au fond qui est en jeu, c’est la nature même de l’expression politique dans le nouveau contexte », a-t-il souligné, en référence au vaste chantier de refondation engagé par le président Mamadi Doumbouya et le CNRD.
Entre responsabilisation et vigilance
Bah Oury a aussi interpellé certains patrons de presse accusés d’utiliser leurs médias à des fins personnelles, appelant à plus de professionnalisme, d’éthique et de vigilance face aux dérives internes.
Dans un plaidoyer pour un contre-pouvoir médiatique fort, il a déclaré : « L’intérêt du pouvoir, c’est d’avoir des contre-pouvoirs efficaces. Si ces contre-pouvoirs sont inefficaces, le pouvoir lui-même en souffrira ».
Il a salué les efforts de professionnalisation observés dans plusieurs régions et le développement de nouvelles chaînes audiovisuelles sur Canal+, preuve d’un secteur en constante évolution malgré les turbulences.
Défis contemporains : entre désinformation et IA
Le Premier ministre n’a pas éludé les enjeux technologiques et éthiques contemporains, mettant en garde contre les dangers de la désinformation, des manipulations sur les réseaux sociaux, et de l’usage incontrôlé de l’intelligence artificielle. « Notre cerveau peut être dupé, manipulé », a-t-il alerté, appelant à une vigilance accrue de la part des journalistes.
Une main tendue… saisie ou ignorée ?
En conclusion, Amadou Oury Bah a réaffirmé l’engagement de son gouvernement en faveur d’une liberté de la presse encadrée par une responsabilité partagée, promettant que les conclusions du forum seront dûment prises en compte : « Parce qu’en définitive, c’est cela qui nous rendra forts », a-t-il insisté.
Alors que la Guinée poursuit sa transition vers un nouvel ordre institutionnel, ce geste d’ouverture pourrait annoncer une réouverture imminente des médias privés suspendus, que le secteur attend depuis près d’un an. Reste à savoir si cette main tendue sera saisie.
Facinet Soumah