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jeudi 1 mai 2025

Abidjan rebaptise ses rues : un acte de mémoire et d’identité nationale

La Côte d’Ivoire a récemment lancé une initiative majeure visant à rebaptiser certaines rues d’Abidjan, sa capitale économique, afin de remplacer les noms hérités de la colonisation française par des figures emblématiques de l’histoire ivoirienne. Ce projet s’inscrit dans une démarche de décolonisation de l’espace public et de modernisation du système d’adressage urbain.

Une volonté de réappropriation culturelle

Depuis mars 2025, les autorités ivoiriennes ont entamé un processus de renommage de plusieurs artères d’Abidjan. Parmi les changements notables, le boulevard Valéry Giscard d’Estaing a été rebaptisé boulevard Félix Houphouët-Boigny, en hommage au premier président de la Côte d’Ivoire indépendante. De même, le boulevard de France porte désormais le nom de Marie-Thérèse Houphouët-Boigny, épouse du président Houphouët-Boigny, et le boulevard de Marseille est devenu le boulevard Philippe Yacé, du nom d’un ancien président de l’Assemblée nationale ivoirienne.

Cette initiative vise à renforcer l’identité nationale en mettant en avant des personnalités locales qui ont marqué l’histoire politique, culturelle et sociale du pays. Un habitant d’Abidjan a exprimé sa satisfaction en déclarant : « Je ne connais pas Giscard d’Estaing. Je ne sais pas qui il était ! »

Un projet d’adressage ambitieux

Au-delà de la symbolique, ce programme s’inscrit dans un vaste projet d’adressage lancé en 2017, financé à hauteur de 15 millions de dollars par la Banque mondiale. L’objectif est de doter les 13 communes d’Abidjan d’un système d’adresses fonctionnel, facilitant ainsi la navigation urbaine, les services de secours, le commerce électronique et la distribution du courrier.

Le ministère de l’Urbanisme prévoit de renommer au total 14 000 voies, avec une première phase concernant 34 rues et 211 avenues. Une liste supplémentaire de 2 500 noms a déjà été validée, et 5 500 autres suivront dans les mois à venir.

Des retombées économiques et sociales

L’amélioration du système d’adressage devrait également avoir des répercussions positives sur l’économie. Selon l’économiste Séraphin Prao, « sans adresse, les banques rechignent à accorder des prêts ». Un système d’adressage efficace permettra une meilleure identification des résidents, facilitant ainsi l’octroi de crédits et le recouvrement fiscal.)

Cependant, des préoccupations subsistent quant à l’inclusion des quartiers précaires dans ce projet. Le géographe Gilbert Yassi souligne le risque que ces zones soient négligées, ce qui pourrait accentuer les inégalités urbaines.

Une démarche saluée mais nuancée

Si cette initiative est largement perçue comme un pas vers la valorisation de l’histoire et de la culture ivoiriennes, elle suscite également des débats. Certains estiment qu’elle pourrait être perçue comme une volonté d’effacer les traces de l’histoire coloniale, tandis que d’autres y voient une opportunité de renforcer le sentiment d’appartenance nationale, notamment auprès des jeunes générations, dont 75 % ont moins de 35 ans.

En somme, la Côte d’Ivoire s’engage dans une démarche de réappropriation de son espace public, alliant mémoire historique et modernisation urbaine, tout en veillant à inclure l’ensemble de sa population dans ce processus de transformation.

Xolomo Tokpa

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